Avec l’essor du télétravail depuis la crise du COVID et les réorganisations successives d’un grand nombre d’entreprises et d’administrations, le stock de bureaux vides a explosé dans les métropoles françaises, particulièrement en Île-de-France.

Le cas particulier de l’Île-de-France
Cette région cumule présente le double constat d’une sur-représentation du secteur tertiaire et d’un besoin permanent de nouveaux logements.
Selon la Fondation pour le logement des personnes défavorisées (ex-Abbé Pierre), il manquerait ½ million de m² pour répondre aux besoins des franciliens, tous niveaux de revenu confondus. Et les dernières données d’Immostat (lire en note 1) indiquent que l’offre francilienne de bureaux disponibles en fin d’année dernière s’est approchée du seuil de 6 millions de m², en hausse de 19% sur l’année par rapport à 2023.
Joachim AZAN, président de l’Observatoire Régional de l’Immobilier d’Entreprise en Île-de-France (ORIE – lire en note 2) prophétise que le stock pourrait se situer entre 7 et 10 millions de m² à l’horizon 2030.
Une étude de l’ORIE a établi un indice évaluant le potentiel des communes franciliennes en matière de recyclage des bureaux vides en logements. Clichy/St-Ouen, Vélizy-Villacoublay, Vanves et Gentilly offrent le meilleur potentiel de changement d’usage, suivis de Clamart/Le Plessis Robinson, La Défense et le secteur allant d’Asnières-sur-Seine à Villeneuve-la-Garenne, soit une partie significative des Hauts-de-Seine.
A contrario, Paris intra-muros, Neuilly-sur-Seine et Levallois-Perret n’offrent pas les conditions économiques favorables à ce type d’opération. Enfin, les ex-villes nouvelles comme Cergy-Pontoise, St-Quentin-en-Yvelines, Marne-la-Vallée, Orly et Roissy sont dans une situation intermédiaire car l’attractivité des bureaux faiblit mais elles n’attirent pas assez de nouveaux arrivants.
Pour les communes ayant du potentiel de transformation, deux scenarii sont avancés en tenant compte d’une surface moyenne de 59 m² par logement occupé, toujours en moyenne par 2,27 personnes :
- Hypothèse N°1 : 40% des opérations seraient des restructurations et 60% des démolitions partielles ou totales créant ainsi 7,5 millions de m² soit 127.000 logements pour 289.000 personnes.
- Hypothèse N°2 : 20% des opérations seraient des restructurations et 80% des démolitions partielles ou totales donnant 8,8 millions de m² soit 150.000 logements pour 340.000 personnes.
Quand une opération est décidée, cela n’en reste pas moins ardu. Ainsi, il aura fallu deux ans de négociation pour convaincre la mairie de Rueil-Malmaison (92) avant de commencer le changement d’usage du siège social de Suez Eau Industrielle, situé sur le Mont-Valérien, en immeuble d’habitation. Vide depuis plus de trois ans, ce site de 14.000 m² a retenu l’attention de la foncière COVIVIO (ex-Foncière des Régions – lire en note 5) qui va y créer, après surélévation, 137 logements livrables fin 2027.

À Toulouse, des bureaux en friche vont être transformés en logements
Abandonné depuis 2018 puis pillé et désossé, l’immeuble TERSUD va être réhabilité par VINCI Immobilier (lire en note 3) pour accueillir des logements. Sa longue silhouette de béton, bien visible des Toulousains depuis la rocade Est, accueillait 13.500 m² de bureaux répartis sur six niveaux.
Pourtant, pendant longtemps, ce bâtiment construit dans un style très contemporain a été un paquebot qui émergeait du quartier Montaudran que l’on distinguait fort bien depuis le périphérique avec ses larges baies vitrées qui le distinguaient des autres immeubles de la zone.

Mais le temps a passé. Après sa construction à la fin des années 1980, le bâtiment a été progressivement déserté suite à des désaccords entre copropriétaires. Les derniers occupants sont partis en 2018. Ont suivi des années d’occupations sauvages et de dégradations.
Après sept ans d’abandon, l’immeuble va bientôt renaître et connaître une nouvelle vie en devenant une résidence pour jeunes actifs et étudiants avec quelques appartements familiaux.
Un permis de construire ayant été déposé en ce sens, le chantier de transformation devrait démarrer en fin d’année 2025.
A Lyon, Icade transforme les 8.000 m² de bureaux de l’ex-siège d’AREVA
Icade Promotion et la SCI Lafayette, société détenue en partie par la Foncière Tertiaire d’Icade, ont lancé au printemps 2023 la transformation de 8.000 m² de l’ancien siège d’Areva-Framatome, situé dans le 6ème arrondissement de Lyon, en logements de 2 à 5 pièces, répartis sur 15 étages. Ce projet nommé « 6ème Art Lafayette » sera dans la continuité de la transformation du quartier Lyon Part-Dieu, sa livraison est prévue à horizon 2026.
A la structure de l’immeuble existante, seront ajoutés des balcons filants supportés par une structure indépendante et auto-portée. Ces espaces extérieurs révéleront des vues imprenables sur le bassin lyonnais, sur Fourvière et même jusqu’au Mont-Blanc par temps clair.
La résidence « 6ème Art Lafayette », labellisé BBC Effinergie Rénovation, certifiée NF HQE Habitat Rénovation et conforme aux objectifs 2025 de la RE2020, se veut mixte, tant par son offre de logements – 58 logements libres et 46 logements sociaux – que par ses usages, en accueillant deux locaux commerciaux en rez-de chaussée où un parvis accessible sera ouvert à tous et, en cœur d’îlot, un jardin végétalisé sera créé avec de nombreux arbres, offrant aux usagers de la résidence un îlot de fraîcheur.
Et ailleurs ?
Selon une étude de JLL, les 23 millions de m² d’espaces de bureaux vacants dans les 35 plus grandes villes européennes pourraient permettre, après transformation, de créer 500.000 logements (lire en note 4).
Bien sûr en regard de tels chiffres, les acteurs de ces métropoles et villes d’importance où l’offre de logement est tendue ont enclenché des opérations de changement d’usage ou sont en train de les étudier. Mais il reste à savoir si, à l’avenir, lesdits acteurs concernés – élus, investisseurs, propriétaires publics et privés, aménageurs et promoteurs – opteront massivement pour ce changement car, au vu du rythme actuel observé depuis le début du siècle, celui-ci ne porte que sur quelques petits milliers de logements par an.
Quel effet d’entrainement d’un prix dédié ?
Valoriser les meilleures reconversions de bureaux en habitats, tel est l’objectif d’un prix dédié à ce sujet. Les professionnels de la construction ont jusqu’à mi-avril 2025 pour candidater.
La Maison de l’architecture de l’Île-de-France et The Foundation by PCE lancent la troisième édition du Prix international de la transformation de bureaux en logements. Ce concours récompense des binômes maîtrise d’ouvrage/maîtrise d’œuvre pour leurs réalisations exemplaires de transformation de bureaux ou de locaux d’activités en « habitats adaptés et durables« .
« L’idée est de valoriser la reconversion architecturale de bâtiments de bureaux ou de locaux d’activités en logements, en mettant en lumière les équipes pluridisciplinaires (maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, bureaux d’études, entreprises, industriels, fournisseurs de matériaux, etc.) qui ont imaginé, conçu et réalisé ces projets, et ce, dans le cadre d’une mission complète de l’architecte« , indiquent les deux organisateurs.
Le concours était ouvert à la maîtrise d’ouvrage publique ou privée et à la maîtrise d’œuvre (sans condition de nationalité), ainsi qu’aux étudiants en école d’architecture française ayant réalisé un projet de transformation de bureaux ou de locaux d’activité en logements. L’appel à candidatures était ouvert jusqu’au 13 avril 2025. pour de plus amples informations sur ce concours lire en note 6).
Quid de la politique gouvernementale ?
À l’occasion de la visite d’un chantier à Rueil-Malmaison fin mars dernier, Valérie LÉTARD, ex ministre en charge du Logement, a annoncé des mesures pour accélérer la transformation de bureaux et autres actifs tertiaires en logements. Elle a présenté les groupes de travail qui doivent plancher sur ce sujet pour lever les freins ainsi que les cinq personnalités professionnelles retenues pour les animer.
Au début du mois de septembre, celui qui a piloté ces groupes de travail, Roland CUBIN (lire en note 7) a remis à la ministre un ensemble de documents développant 21 propositions qui s’articulent autour de trois dimensions essentielles :
- La première dimension est environnementale. Avec la création d’un statut d’immeuble reconditionné avec des propositions concrètes pour faire avec l’existant plutôt que de démolir et reconstruire. En faisant passer la transformation de 2 % à 25 % du parc vacant, on pourrait collectivement éviter environ 675.000 tonnes de CO₂, soit l’équivalent de 4 % de la trajectoire annuelle nationale de réduction des émissions, tous secteurs confondus.
- La deuxième dimension est territoriale et systémique. Il s’agit d’équiper les collectivités, de renforcer les leviers de l’État et de créer des véhicules réglementaires incitatifs pour agir à l’échelle des territoires. C’est en structurant le marché et en donnant un cadre clair que ces transformations pourront être massifiées et déployées à grande échelle.
- La troisième dimension est économique et financière. A la faveur des transformations, 50 à 100 milliards d’euros d’actifs vont changer de forme ou de main. Les propositions présentées visent à permettre de lever les verrous, de créer la confiance et de rendre cette transition économiquement soutenable pour tous, y compris pour les particuliers dont l’épargne est concernée.
L’équipe d’experts réunie autour de Roland CUBIN a mené plus de 70 entretiens auprès de l’ensemble des parties prenantes de la fabrique de la ville, lesquels ont porté sur de nombreuses contributions regroupées dans deux rapports (lire en note 8).
Conclusion
Si l’appropriation des espaces industriels et logistiques a dans le passé généré l’archétype du loft, soit un volume généreux caractérisé par sa qualité spatiale – lumière et hauteur sous plafond – et une matérialité brute, la reconversion d’anciens plateaux de bureaux serait une excellente opportunité d’inventer ou de vérifier de nouveaux concepts, tant spatiaux que programmatiques, comme pourraient l’être des espaces hybrides mêlant habitat et travail puisque depuis quelques années déjà de nombreux accédants ou locataires ont l’expérience de la limite brouillée ou choisie entre les deux.
Pour réussir, les candidats au Prix international de la transformation de bureaux en logements cité ci-avant (lire en note 6) et les groupes de travail mis en place par la ministre seraient bien avisés d’ajouter à leur tour de table un sociologue, un gestionnaire de copropriétés, un auditeur immobilier, un économiste de la construction indépendant et qualifié, un contrôleur réglementaire, un mainteneur tous corps d’état et un énergéticien pour les rendre aptes à s’engager collectivement sur l’organisation du vivre ensemble et sur le coût global d’usage qui déterminera les futures charges du bien réhabilité et transformé.
Les propriétaires, les futurs résidents, acquéreurs ou locataires, de ses programmes immobiliers aussi atypiques qu’attendus ne leur en seront que plus reconnaissants.
Note 1 : IMMOSTAT_T4 2024
Note 2 : ORIE
Note 3 : VINCI Immobilier
Note 4 : JLL.fr
Note 5 : COVIVIO
Note 6 : Prix de la transformation bureaux/logements
Note 7 : Roland CUBIN Note 8 : Modèle économique_Rapport-final






