Les missions d’AMO de l’économiste de la construction

Les missions d’AMO de l’économiste de la construction

Quelques définitions en préambule

  • AMO = assistance à maîtrise d’ouvrage
  • Assistance : aide, secours, appui (Larousse) ; conseil au sens large
  • L’AMO n’a pas vocation à exercer les prérogatives du maître d’ouvrage (à la différence du mandataire en marché public ou du maître d’ouvrage délégué en privé qui agissent au nom et pour le compte du maître d’ouvrage)

Il agit comme conseiller du maître d’ouvrage sur tout ou partie des obligations et fonctions du maître d’ouvrage dans les opérations de construction immobilière. Il permet au maître d’ouvrage de préparer ses décisions, mais ne participe pas à la réalisation « matérielle » de l’ouvrage.

Législation / réglementation en matière d’AMO

Pour les maîtres d’ouvrage privés, il n’existe de texte officiel définissant ces missions, elles sont donc uniquement de nature conventionnelle (en clair, que dit le contrat de l’AMO ?).

En maîtrise d’ouvrage publique soumise aux textes MOP (aujourd’hui codifiés dans le Code de la Commande Publique), les articles L2422-1 et 2 évoquent la possibilité de « recourir à des tiers … pour des marchés publics d’assistance à maîtrise d’ouvrage portant sur un ou plusieurs objets spécialisés, notamment en ce qui concerne tout ou partie de l’élaboration du programme, la fixation de l’enveloppe financière prévisionnelle de l’opération ou le conseil spécialisé dans un domaine technique, financier, juridique ou administratif ».

Quant aux articles L2422-3 et 4 du même Code, ils décrivent la mission de conduite d’opération), qui s’entend comme une AMO généraliste à caractère administratif, financier et technique.

La mission de conduite d’opération est incompatible avec toute mission de maîtrise d’œuvre, de contrôle technique ou d’exécution de travaux, portant sur la même opération.

Missions d’AMO

Elles s’exercent dans différents domaines de compétence : administratif (juridique), technique (sur une spécialité de type HQE, structurelle, etc.), économique (évaluation financière du programme, plan de financement, etc.).

Il peut être utile de s’appuyer sur le guide « 52 missions d’AMO pour vos projets » produit en 2020 par l’UNTEC et le CINOV SYPAA, pour définir la mission attendue et le contenu des prestations à accomplir.

Responsabilités et assurances de l’AMO

  • En tant que professionnel « expert et indépendant », l’AMO est débiteur d’un devoir de conseil vis-à-vis du maître d’ouvrage : c’est le fondement même de ses missions, conseiller …

Dès lors, il doit être couvert par une assurance de responsabilité civile professionnelle, garantissant les dommages (essentiellement immatériels) qu’il pourrait causer au maître d’ouvrage, mais aussi à des tiers.

  • L’AMO, bien que titulaire d’un contrat de louage d’ouvrage visé à l’article 1710 du Code Civil, n’est pas considéré comme un « constructeur » au sens de l’article 1792-1 du même Code. Il n’est donc pas, a priori, soumis à la présomption de responsabilité décennale.

Attention toutefois aux missions d’AMO technique (du type études de faisabilité, analyse des études du maître d’œuvre, approbation des visas d’étude d’exécution, …), qui le feront basculer dans ce statut de constructeur et le soumettront à l’obligation d’assurance de RC décennale (voir en ce sens décisions Conseil d’Etat n°406205 du 9 mars 2018 ou encore Cour d’appel de Toulouse, 31 janvier 2018).

Qualifications de l’AMO

L’OPQTECC délivre une douzaine de qualifications en AMO réparties dans 4 catégories (à caractère technique / juridique / financier, en économie de la construction, en programmation, spécialisées).

D’autres organismes (OPQIBI, OPQCM, …) qualifient également des professionnels en AMO.

Points sensibles des missions d’AMO économique

  • Comme tout prestataire intellectuel, l’AMO n’est tenu qu’à une obligation de moyens et non de résultat.

Pour exemple, le maître d’ouvrage ne saurait lui reprocher que le montant final de l’opération diffère de l’estimation établie en phase de programmation.

De la même façon, si un chiffrage fourni par l’AMO ne peut être considéré comme sous-évalué, si la cause en est une circonstance extérieure et imprévisible (inflation du coût des matières premières, crise sanitaire, …).

  • S’il est légitime que le maître d’ouvrage décrive le résultat attendu de la mission d’AMO sous forme d’objectifs à atteindre, le contrat devrait préciser les moyens à mettre en œuvre par le prestataire, au risque de générer litiges et réclamations (justifiées !) de l’AMO.
  • A titre d’exemple, voici quelques situations problématiques usuellement rencontrées dans les missions d’AMO « économiques » :
  1. Si le contrat charge l’AMO de l’estimation financière du programme de l’opération, il convient de préciser le nombre de variantes éventuelles que l’AMO sera amené à chiffrer.
  2. Si cette estimation ne correspond pas au budget dont le maître d’ouvrage dispose, la mission d’optimisation économique que celui-ci attendrait doit être prévue contractuellement (y compris le nombre de ces optimisations).
  3. Le cas des appels d’offres de travaux infructueux nécessitant une nouvelle consultation (et donc un complément de travail pour l’AMO) est à envisager contractuellement.
  4. La contre-estimation des chiffrages de la maîtrise d’œuvre se fait-elle par l’AMO « à l’aveugle » ou après communication de ces chiffrages ?
  5. Quant aux différentes réunions (de maîtrise d’œuvre, de chantier, …) où la présence de l’AMO sera requise, leur nombre doit être détaillé contractuellement, à l’instar de ce que demandent la norme NF P 03-100 pour les contrôleurs techniques ou le Code du Travail pour les coordonnateurs SPS.
  • Dans cet esprit, si l’on comprend que le contrat d’AMO doit être précis quant au contenu de la mission, il serait judicieux qu’il précise également les limites de la mission, laissant ainsi une moindre part à l’interprétation de l’étendue des prestations.
  • Enfin, quant à la rémunération des AMO, s’agissant de prestataires à haut niveau d’expertise et à forte valeur ajoutée, une fourchette de rémunération indicative serait de l’ordre de 1500 à 2000 € HT / jour.

En guise de conclusion

  • Au vu de leurs compétences (techniques, financières, voire juridiques) et de leur vision globale des opérations de construction, les économistes ne doivent pas hésiter à s’engager dans ces fonctions d’AMO.
  • A l’instar de leurs collègues Quantity Surveillors britanniques, agréés par la RICS, ils sont tout désignés pour assumer des missions d’AMO économique, voire de Project Manager.

Pierre HAXAIRE – Consultant (EDIPHICE – Lyon) & formateur UNTEC

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